lundi 21 février 2011

Discours du ministre de la chasse au Etats généraux de la chasse

DISCOURS
de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET Etats généraux de la chasse

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les représentants du monde de la chasse,
Mesdames et messieurs,
Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui, parce que vous me permettez de
m’exprimer comme ministre de la chasse et des chasseurs. Et parce qu’en venant
clôturer ces Etats généraux, je participe à une rencontre dont le moins qu’on puisse
dire est qu’elle est exceptionnelle. Les premiers Etats généraux s’étaient tenus à
Strasbourg, il y a tout de même 20 ans!
Si l’on en juge par la qualité de vos travaux depuis hier, et par la variété des points
de vue qui se sont exprimés ici, vous devriez multiplier ces rencontres, qui vont bien
dans le sens du rapport de 1999, « pour une chasse responsable et apaisée ». Vous
me direz que l’objectif de l’apaisement n’a pas été réellement atteint. Et pourquoi
faudrait-il le chercher à le dissimuler? Malgré bien des efforts et après au moins 5
cinq lois consacrées à la chasse en 10 ans, des difficultés subsistent qui justifient
amplement la tenue des Etats généraux.
Je voudrais vous dire aujourd’hui comment je vois la situation de la chasse et
comment je la conçois dans un avenir proche. Avec un objectif constant : celui de
permettre à la chasse de jouer son rôle. Son rôle de régulation des espèces et de
gestion écologique des territoires ; et son rôle d’activité économique.
Depuis 20 ans, la société française et sa vision de la biodiversité ont grandement
évolué. Le concept même de « biodiversité » était en quelque sorte inconnu en
1990 : on parlait alors de nature, d’espèces, de milieux.
Le monde de la chasse n’a pas échappé à cette évolution : il l’a au contraire
accompagnée, et l’image des chasseurs en a été grandement modifiée.
Notamment parce que l’on s’est souvenu que le chasseur compte, depuis toujours,
parmi les principaux acteurs et défenseurs de la biodiversité. Permettez-moi d’en
donner deux exemples.
Il y a 2 semaines, nous fêtions les 40 ans de la convention RAMSAR sur les zones
humides. Alors qu’en France, ces milieux sont parmi les plus dégradés, le rôle des
chasseurs en faveur de leur préservation s’est avéré primordial. Ils ont entretenu ces
zones, notamment au travers des 130 réserves de chasse et les ont sauvées.
Sans eux, que seraient devenues les régions d’étangs, comme la Dombes ou la
Brenne, et que seraient devenus les étangs de la Gironde? Ils seraient sans doute
asséchés. Et ce qui est sauvé, ce sont des paysages originaux, qui n’existent pas
ailleurs et qui contiennent une faune et une flore d’une richesse exceptionnelle.
Avec, entre autres, près de 2,5 millions d’oiseaux d’eau qui séjournent en France
chaque année à la mi-janvier. Je lancerai très prochainement un appel à candidature
aux territoires pour désigner le parc national de zones humides, qui est les des 3
parcs nationaux que nous nous sommes engagés à créer dans le Grenelle de
l’environnement.
Qui peut imaginer que cela se construise sans les chasseurs?
Un autre exemple, celui de la Fondation pour la protection des habitats de la faune
sauvage. Cette fondation gère désormais un peu plus de 5 000 hectares, répartis
dans 59 départements sur plus de 120 sites. La gestion à but environnemental de
ces espaces est confiée, vous le savez, à la fédération départementale des
chasseurs du département concerné. C’est donc elle qui en supporte le coût, et c’est
grâce à elle que des marais, des bois marécageux, des tourbières, d’anciens bassins
de décantation ou des étangs sont préservés.
L’implication des chasseurs dans la préservation de la biodiversité est une réalité.
Vous savez qu’elle est inhérente à l’art même de la chasse, qui n’aurait tout
simplement aucun sens si cette biodiversité était menacée. Mais peut-être n’est-il
pas mauvais de le rappeler, à chaque fois qu’un débat public est lancé.
Et pas seulement, bien sûr, un débat sur la chasse, car ce que montrent les deux
exemples que je viens de donner, c’est que les chasseurs sont concernés au premier
chef par les débats de politique agricole – à l’heure des négociations sur la future
PAC, avec Bruno LEMAIRE, nous ne l’oublions pas – de politique environnementale
ou encore de développement rural. La contrepartie de cette implication croissante
dans de nombreuses politiques est une responsabilité également croissante, mais je
sais pouvoir compter sur vous pour répondre présents.
C’est pour cette raison que je souscris à la démarche innovante dont votre président
a eu l’idée, en demandant que l’on puisse négocier trois « contrats de partenariats »,
entre la FNC et les trois établissements sous tutelle de mon ministère : l’ONCFS, le
Conservatoire du Littoral et l’ONF. L’objectif est de clarifier les relations et les
compétences de chacun dans le domaine de la chasse et de mettre en place des
outils de valorisation des expériences positives, et de gestion des crises éventuelles.
Pour faire face par exemple à des conflits locaux, comme nous en avons connu
récemment sur l'équilibre entre forêts et cerfs dans l’Est.
Pour que ces contrats s’appuient sur une base solide, j’ai proposé au Premier
ministre qu’un parlementaire en mission soit désigné pour accompagner leur
élaboration. Cette mission sera confiée à David Douillet : je le remercie de son
implication.
Depuis 10 ans, nous avons connu 5 lois ayant trait à la chasse : les 2 lois « chasse »
de 2000 et 2003, puis la loi sur le développement des territoires ruraux de 2005, celle
du Sénateur Poniatowski de 2008 et même celle de 2009 sur l’allègement des
procédures administratives.
Et nous allons désormais travailler sur 2 propositions de loi déposées par les
Présidents des groupes « Chasse » : le Député Jérôme BIGNON à l’Assemblée
nationale et le Sénateur Pierre MARTIN au Sénat.
Ce sont deux propositions qui veulent améliorer la pratique de la chasse, en
renforçant la gestion des espèces de gibier et en facilitant le fonctionnement
institutionnel.
Je tiens à ce que nous simplifions nos textes. Je soutiendrai donc dans la proposition
de loi qui nous sera présentée tout ce qui ira dans cette direction. Et je vous redis
que cette proposition de loi sera aussi l’occasion de rappeler le rôle des chasseurs
dans la conservation de la biodiversité.
La législation a donc avancé ces dix dernières années et elle a introduit de véritables
nouveautés.
En 2000, la FNC a soutenu la création des schémas départementaux de gestion
cynégétique, élaborés et conduits par les Fédérations Départementales des
Chasseurs.
Ces schémas inscrivent la chasse dans une perspective de gestion durable des
espèces et des espaces, et ils contribuent également à la politique environnementale
dans le département. Enfin, ces schémas inscrivent la chasse dans le nécessaire
partage de la nature avec l’ensemble des usagers.
Leur importance et leur portée n’est plus à démontrer maintenant qu’il en existe une
cinquantaine. Je souhaite que toutes les fédérations départementales se saisissent
de cet outil.
La loi précise bien que ce schéma de gestion cynégétique est élaboré par la
fédération départementale des chasseurs en concertation avec la chambre
d’agriculture, les représentants de la propriété privée rurale et les représentants des
intérêts forestiers.
Comme de nombreux schémas seront révisés en 2011, j’ai signé une circulaire aux
Préfets pour que ce renouvellement reste strictement dans l’esprit voulu par le
législateur de responsabilisation des fédérations départementales
C’est dans ce cadre également que la question des dégâts causés par le gibier doit
être abordée. Une question dont je crains qu’elle ne se pose de manière beaucoup
plus insistante dans les années qui viennent.
Nous avons une procédure administrative d'indemnisation amiable des dégâts
causés par les sangliers et le grand gibier, qui a été mise en place il y quarante ans.
Prenant la suite de l’ONCFS en 2001, les fédérations ont maîtrisé ce dossier, dont
les enjeux ont considérablement changé. D’abord, parce que les cours des produits
agricoles ont été fluctuants et ont atteint en 2010 des montants particulièrement
élevés. Et d’autre part, parce que les populations d’ongulés ont crû dans des
proportions considérables.
Pour le sanglier, l’équation est simple : nous en sommes aujourd’hui à des
prélèvements de 500 000 animaux, à 17 000 collisions sur les routes et à 20 millions
d’euros d’indemnisation des dégâts agricoles par année.
Les Fédérations départementales doivent donc être particulièrement vigilantes à
l'évolution des populations, dans les quelques départements où l'équilibre entre
chasse, agriculture et forêt reste à atteindre.
Elles disposent, pour les accompagner, du plan national de maîtrise du sanglier,
lancé dès l’été 2009. Endiguer la prolifération inquiétante du sanglier est donc
nécessaire. Il s’agit d’un chantier de longue haleine, que nous devrons poursuivre
sur plusieurs années avant d’atteindre une situation supportable pour la collectivité
publique.
Je souhaite également autoriser le tir du sanglier en battue à partir du 1er juin sous
le contrôle de l’ONCFS, dans les départements où des mesures effectives de
résorption des points noirs ont été prises, dans le cadre du plan national de maîtrise
du sanglier.
Les dispositions seront prises sans attendre pour une application dès 2011 de cette
mesure.
Parmi les autres serpents de mer qui agitent le monde de la chasse depuis plusieurs
années, je sais que le classement des nuisibles figure en bonne place.
Les arrêtés préfectoraux qui établissent les listes départementales d’espèces
nuisibles font l’objet d’un abondant contentieux et sont trop fréquemment annulés.
En s’appuyant sur les conclusions du rapport de Pierre Lang, nous avons travaillé,
avec vous comme avec les autres partenaires concernés, à la mise en place d’un
dispositif de niveau national, pour que les particuliers puissent détruire les animaux
qui portent atteinte aux biens ou à l’équilibre de la faune et de la flore.
Après un important travail de concertation poursuivi depuis septembre 2009, seules
quelques divergences subsistent encore entre les parties. Nous allons faire des choix
dans les jours qui viennent.
Je vous précise, pour vous assurer de ma détermination à faire avancer ce chantier
réglementaire, que j’ai souhaité l’examen du décret et des trois arrêtés nationaux
d’application reprenant la liste des 18 espèces susceptibles de causer des
dommages au prochain CNCFS à la mi-mars 2011. L’objectif est d’aboutir à une
mise en application du premier arrêté sur les espèces exotiques au 1er juillet 2011,
puis des 2 autres arrêtés au 1er juillet 2012.
Si nous aboutissons à des textes équilibrés sur les nuisibles, c’est grâce au dialogue
entre les différentes parties.
Cette méthode est directement issue de la table ronde sur la chasse. Pour préparer
l’avenir, il est impérieux de persévérer dans cette voie.
J’y insiste et vous dis que je veux agir dans cet esprit constructif, en synergie avec
les agriculteurs, les forestiers et les associations de protection et d’usagers de la
nature. C’est le seul moyen d’intervenir sur nos territoires ruraux, des territoires où
les chasseurs ont un rôle-clé dans la gestion des milieux et de l’équilibre des
espèces. Ces partenariats construiront des territoires viables, sans lesquels nous
n’aurons pas de gibier, ni de chasse digne de ce nom.
Voilà qui me donne l’occasion de souligner le rôle déterminant que Jérôme Bignon a
joué dans les travaux de la table ronde « chasse ». Je tenais à l'en remercier.
Instaurée dans le mouvement du Grenelle de l’environnement, la table ronde chasse
a permis la conclusion de deux accords, l’un le 26 juillet 2008, l’autre le 14 janvier
2010.
Je regrette que l’intégralité de ces accords n’ait pas été respectée mais je tiens à
souligner devant vous les points d’avancée majeure qu’ils ont permis. Sur la
gouvernance scientifique ; sur la gestion des territoires – en particulier les zones
humides et la trame verte et bleue – sur les plans de gestion pour certaines espèces
d’oiseau migrateur et l’amélioration de leurs habitats ou encore sur le suivi de l’oie
cendrée.
Après deux années d’intense activité, j’ai lancé une mission d’inspection pour établir
un bilan du fonctionnement de la table ronde, des résultats de ses travaux et de la
mise en oeuvre des accords conclus.
Un bilan pour mieux poursuivre le dialogue. Le président Bernard Baudin m’a fait part
de vos inquiétudes. J’aimerais en évoquer deux.
Tout d’abord, celle qui porte sur les dates de chasse, même si je suis persuadée que
les polémiques vaines qu’elles ont suscitées depuis vingt ans ont fait beaucoup de
tort à l’image de la chasse et des chasseurs. Il m’apparaît décisif que ces dates
soient stables, tout en admettant de les réexaminer ponctuellement, au regard de
données nouvelles et irréfutables. Les dates de chasses seront toujours examinées
par le Groupe d’expert sur les oiseaux et leur chasse mis en place en 2008. Et le
calendrier du GEOC sera rendu public pour ne pas donner l’impression de repousser
les demandes par de vaines études complémentaires.
Deuxième sujet d’inquiétude : l’Agence de la nature et la réforme des instances de
gouvernance de la biodiversité. Face à la diversité des besoins, nous avons multiplié
les établissements publics intervenants sur la biodiversité : ONCFS, Conservatoire
du littoral, ONF, parcs nationaux, Agence des aires marines protégées, d’autres
encore.
Le ministère a appliqué à la lettre la grande loi de l’évolution qui veut qu’à chaque
niche écologique corresponde une espèce.
La lisibilité de notre dispositif se doit désormais d’être améliorée : il n’est donc plus
question aujourd’hui de créer des organismes nouveaux qui se surajoutent et
complexifient toute choseQu’il s’agisse de gouvernance ou de structure d’expertise, appuyons-nous sur
l’existant, en le rénovant.
Dans les mois qui viennent, il me semble qu’il faut se concentrer sur 2 priorités :
d’une part, la mise en ordre des instances de gouvernance de la biodiversité, mais
sans diluer la chasse dans un « grand machin » ; d’autre part, la mise en place réelle
d'une structure opérationnelle de gestion de la connaissance, en s’appuyant,
Monsieur le Président SABAROT, sur l’expertise et la compétence scientifique de
l’ONCFS.
Dès mon arrivée au ministère, j’avais souhaité échanger avec le président de la
FNC, ainsi qu’avec le président du conseil d’administration de l’ONCFS et les
présidents des groupes « Chasse » du Parlement. Ces échanges m’ont convaincue
que la chasse est en train d’être reconnue pour sa contribution en faveur de la
biodiversité.
Je signerai d’ailleurs dans les jours qui viennent l’arrêté accordant à la FNC
l’agrément comme association de protection de l’environnement.
Cette nouvelle image de la chasse doit permettre, sinon de reconquérir les
chasseurs perdus depuis 20 ans, du moins d’enrayer la baisse des effectifs pour
construire cet avenir de la chasse « Entre nature et futur ».
Vos réflexions élaborées dans vos 7 réunions régionales puis dans les 2 jours d'États
généraux doivent alimenter cet espoir et l’essaimer dans toutes les assemblées
générales des fédérations départementales ce printemps.
Je vous remercie.

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